De même, en 1914, l'Allemand Heinrich Kuehn va japoniser cette photo en couleur d'une excursion en montagne en ajoutant un 1er plan de feuillage en contre-jour. Dans un autre tirage en noir et blanc, il opte pour un arrière-plan de montagne. Avec les pictorialistes, le travail de laboratoire prend de l'importance. Plus que la prise de vue, le tirage devient le moment décisif. Le Franco-Américain Paul Haviland pratique le tirage sur cyanotype, un procédé tombé en désuétude à cause de sa teinte bleue artificielle. Haviland tire parti de cet effet pour sublimer un portrait de son modèle Florence Peterson. Sur cet autre cliché, l'absence de nuances stylise l'image en la réduisant à un jeu graphique d'ombre et de lumière. D'autres, au contraire, cultivent l'art de la nuance. Ainsi, Steichen choisit exprès les situations les plus difficiles, comme cet "Etang au clair de lune" de 1904. Le négatif est en noir et blanc, l'image est subtilement coloree au tirage par l'ajout de couches successives de diverses substances colorantes. Le secret des tirages de Steichen et des pictorialistes, c'est la fabrication artisanale de papiers à base de procédés pigmentaires, dont la gomme bichromatèe. Le papier est enduit de gomme arabique, de bichromate de potassium et de pigments colorés. Quand le papier est exposé, la gomme durcit selon la quantité de lumière. Ensuite, l'image n'est pas révélée comme dans les processus argentiques, mais lavee à l'eau tiède. Dans les zones claires, l'enduit disparaît, dans les zones sombres, il reste, gardant la couleur du pigment employé. Le dépouillement se fait au pinceau. Le geste du peintre devient ici une réalité. Les procédés pigmentaires demandent une grande virtuosité. Ils produisent des epreuves uniques, extrêmement fines, comme ces paysages miniatures du Tchèque Drtikol. La présentation sur des cartons souligne la prèciositè de ces images qui oscillent entre naturalisme et symbolisme, avec une prédilection pour des vues nocturnes quasi abstraites. Dans un registre plus symbolique, une allégorie du deuil, intitulée "ln Memoriam", du photographe Steichen, 1904.